Aux Halles de Schaerbeek : Cycle
MONDES ARABES (saison
2010/2011)
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La Libre Belgique, 21 avril 2010, "Liban : l’art au
service de la mémoire", par Guy Duplat
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Le Soir, 9 décembre 2009, "Beyrouth vibre le soir,
pour la liberté", interview de l'écrivain Elias Khoury
par Maroun Labaki
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Texte de la conférence donnée le mardi
13 novembre 2007 à l’Université Libre de Bruxelles par Monsieur
Georges CORM, économiste et historien à l’Université St-Joseph
de Beyrouth et ancien Ministre des Finances du Liban.
Il est l’auteur de, entre autres, « Le Proche-Orient éclaté
» (Gallimard Folio / Histoire, Paris 2007), « La question
religieuse au XXIème siècle » (La Découverte, Paris, 2006
& 2007).
Site Internet de Mr Corm : http://georgescorm.com/personal/index.php?lang=fr
>> La Libre Belgique, 15/07/2005,
page 11: Après le départ des Syriens, "si nous échouions,
ce serait dramatique"
>> Le Soir, 03/06/2005: Assassinat
d'une plume libre
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>> La Libre Belgique, 15/07/2005,
page 11: Après le départ des Syriens, "si nous échouions,
ce serait dramatique"
Alexandre NAJJAR, auteur du "Roman de Beyrouth",
croit en un modèle de cohabitation des civilisations au
Liban.
Entretien par Gérald Papy
Alexandre Najjar est avocat et écrivain libanais. Son dernier
et passionnant ouvrage, "Le roman de Beyrouth"
(*), retrace la vie d'une famille à travers 3 générations.
Une histoire qui, fatalement au Liban, est affectée par
les soubresauts de la politique. Alexandre Najjar jette
un regard sur l'évolution récente de son pays. Un témoignage
éclairant à l'aune de l'actualité.
A travers l'histoire d'amour tumultueuse entre Philippe
le chrétien et Nour la musulmane sunnite, avez-vous voulu
signifier que la cohabitation confessionnelle, malgré les
difficultés, est possible au Liban?
Jean-Paul II disait du Liban que "c'est plus qu'un
pays, c'est un message". Nous sommes 18 communautés
religieuses qui cohabitent. Cela ne se passe pas toujours
sans mal, en ce sens que, très souvent, des ingérences extérieures
peuvent faire en sorte que cette harmonie éclate. Notre
société est pleine de contradictions. On l'a vu à travers
la guerre civile de 15 ans; cette richesse est en même temps
un facteur d'instabilité et une fragilité en soi. Déjà,
dans certains pays, comme la Belgique, où l'on voit deux
ou trois communautés cohabiter ensemble, ce n'est pas toujours
évident. Alors entre 18 communautés avec, chacune, ses réflexes
identitaires, ses préjugés, ses traditions, ses rites...
Qu'est-ce que les communautés ont à gagner à s'interpénétrer?
On n'a pas le choix. Ces 18 communautés sont là. Ou elles
font la paix, ou elles font la guerre. Comme disait Ghassan
Salame, un de nos meilleurs politologues, "nous sommes
condamnés au dialogue". Aujourd'hui, le Liban est une
démocratie consensuelle. Il faut qu'on essaye de trouver
des terrains d'entente pour que nous puissions aimer nos
différences. Personne n'a le monopole de la vérité ou de
la culture. Ce dialogue interculturel, interreligieux, ne
peut être qu'enrichissant.
En arrière-fond de votre roman, apparaît le rôle des
grandes familles, des clans... Le poids de ceux-ci ne constitue-t-il
pas un lourd handicap pour un pays ?
Sans aucun doute. En même temps, c'est tellement entré
dans la tradition que beaucoup de Libanais ne s'interrogent
même plus sur la légitimité de ces clans. La plupart des
dirigeants politiques du pays sont les fils de... Il y a
aussi une certaine "féodalité" territoriale. Ces
facteurs-là sont effectivement assez archaïques. Même si
aujourd'hui c'est un pays démocratique, encore plus depuis
le départ des troupes syriennes, le Liban ne peut pas s'engager
dans la voie de la modernité avec des handicaps aussi lourds.
Il y a encore un héritage plus lourd, c'est le confessionnalisme.
Au sein de la justice et l'administration libanaises, la
plupart des postes à pourvoir le sont en fonction de quotas.
Au lieu de nommer un haut fonctionnaire sur la base de ses
propres compétences, on est obligé de piocher dans un groupe
communautaire parce que tel poste est attribué en exclusivité
à un maronite, un orthodoxe, un chiite, un sunnite... Il
y a aussi les régimes matrimoniaux qui sont toujours régis
par les lois religieuses. Deux Libanais chrétiens, s'ils
veulent divorcer, doivent se présenter devant un tribunal
ecclésiastique. Les mariages mixtes, entre un musulman et
une chrétienne, ou vice et versa, se font à Chypre ou en
France, dans des pays où le mariage civil est possible.
Au Liban, il n'y a pas une 19e communauté qui serait la
laïcité.
Etes-vous optimiste pour l'avenir du pays?
Un des thèmes du Sommet de la Francophonie à Beyrouth en
2001, c'était le dialogue des cultures. Aujourd'hui, entre
l'Orient et l'Occident, il y a un tel fossé qui s'est creusé;
l'Occident considère les Orientaux comme des terroristes
et l'Orient les Occidentaux comme des impérialistes. Le
rôle des écrivains, des artistes, des intellectuels et des
journalistes est aussi de créer des passerelles entre ces
deux civilisations et de montrer que l'une n'est pas la
négation de l'autre mais qu'elles ont tout à gagner en s'enrichissant.
Je suis convaincu que le Liban est, à cet égard, un laboratoire
très important. Après la mort de Rafic Hariri le 14 février,
certains ont cru que le Liban pourrait sombrer à nouveau
dans le chaos. Nous avons tiré les leçons de la guerre civile
et nous avons compris cette urgence du dialogue et de la
solidarité pour revendiquer notre liberté.
Il faut absolument consolider cette indépendance par notre
cohésion interne. Il ne faut pas qu'une fois libérés de
cette mainmise syrienne, nous n'ayons pas les moyens d'engager
notre pays sur la voie de la modernité. Parce qu'à ce moment-là,
on démontrera que ce n'était pas là le problème. Cela prouverait
que le problème est en nous, ce qui serait dramatique.
(*) Ed. Plon, Paris, 2005, 375 pp., env. 20 euro.
© La Libre Belgique 2005
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>> Le Soir, 03/06/2005:
Assassinat d'une plume libre
Le journaliste Samir KASSIR avait mis son grand talent
au service de la liberté. Il était à la fois admiré et craint.
L'émotion est vive dans le pays.
Baudouin Loos, envoyé spécial, Beyrouth
Une charge d'explosifs mise à feu sous sa voiture : aucune
chance de survie n'a été laissée jeudi matin à Samir Kassir,
45 ans, assassiné près de chez lui à Achrafieh, un quartier
chrétien à l'est de Beyrouth. La nouvelle s'est répandue
à la vitesse de l'éclair dans la capitale libanaise, jetant
la stupeur et l'émoi. Car tout le monde connaissait Samir
Kassir, un intellectuel respecté, un éditorialiste redouté,
un historien apprécié. Mais un homme, aussi, détesté dans
certains cercles pour la rigueur de ses analyses comme pour
la constance et la bravoure de ses engagements.
Kassir n'avait de cesse de dénoncer le régime libanais
policier et la mainmise syrienne sur le pays du Cèdre. Elu
député de Beyrouth dimanche, Gebran Tueni, le directeur
du journal qui l'employait, " An Nahar ", le plus
grand quotidien du Liban, ne cachait pas sa colère hier
: Le régime syrien est responsable de A à Z de cet horrible
crime terroriste qui visait l'un des animateurs de la Gauche
démocratique - NDLR : un mouvement de création récente.
Ces élections n'ont pas de sens quand on voit des journalistes
et la liberté assassinés au Liban.
Dans son bureau feutré sis en banlieue, ce diplomate européen
abondait dans le même sens : Le meurtre de cette rare figure
emblématique de l'intelligentsia est un message limpide
: l'emprise de Damas ici n'a pas diminué même si les soldats
syriens sont partis en mars et en avril, après 29 ans d'occupation.
Les services secrets, théoriquement rentrés au pays, se
sont simplement faits plus discrets, tout en continuant
leur collaboration avec les " services " libanais.
Même le ministre libanais de l'Intérieur se méfie de certains
éléments au sein de sa propre administration. Notez bien
qu'il s'agit moins de politique que d'une sordide histoire
d'argent, d'intérêts mafieux à défendre par la prolongation
du statu quo ; ici personne, ou presque, ne vous le dira,
mais tout le monde le sait.
Les amis de la victime étaient partagés entre tristesse,
colère et amertume. Pour moi, Samir était une référence,
nous dit Joëlle Touma, scénariste. Quelqu'un qui inspirait
confiance. Quelqu'un que, dans mes rêves les plus fous,
je voyais parmi ceux qui dirigeraient un jour le pays. Mais
non, les tueurs nous disent : nous sommes toujours là, on
vous emmerde, on peut toucher qui on veut. Ces " services
" l'avaient depuis longtemps harcelé, menacé comme
en 2000, quand ils l'avaient ouvertement interpellé, le
privant de passeport et lui imposant une filature. Ce qui
m'a toujours le plus impressionné, chez Samir, c'est son
courage ; du temps où tout le monde courbait l'échine, il
continuait à écrire sa vérité, la vérité.
Egalement très émue, Marie-Claude Souheid, professeur d'université,
le connaissait par coeur. Ce qu'on nous dit peut-être ce
jeudi, c'est ceci : la plume la plus libre du Liban, celle
qui a le plus lutté pour la liberté, pour la laïcité, contre
le règne des confessions religieuses, eh bien ! cette plume-là,
nous, on la tue. Ces régimes - NDLR : libanais et syrien
- n'aiment pas les hommes libres penseurs, les historiens
de valeur, les Arabes démocrates qui plus est d'origine
palestinienne, comme l'était Samir.
Pour Chibli Mallat, avocat, défenseur des droits de l'homme
et professeur d'université, collègue de Samir Kassir à l'université
Saint-Joseph à Beyrouth, avec cet assassinat, on assiste
à une fuite en avant suicidaire des dirigeants syriens ;
ce geste n'a pas de sens, en tout cas, ces gens portent
une responsabilité qu'ils ne comprennent pas. Au-delà de
l'ami avec qui je me bats depuis vingt ans, il s'agit d'une
perte grave pour l'horizon intellectuel de notre pays. Ses
ouvrages, comme cette fabuleuse " Histoire de Beyrouth
" sortie il y a plus d'un an, font autorité.
Ce jeudi, la classe politique libanaise, dans son ensemble,
mesurait aussi la portée de l'événement. Selon la toute
nouvelle députée Solange Gemayel, le régime politique libano-syrien
est toujours en place et il continue à sévir.
L'ex-général Michel Aoun, rentré au début du mois de mai
d'un exil français de quatorze années (et d'ailleurs critiqué
par Kassir...), rendait ainsi hommage au disparu : C'était
un grand journaliste qui n'a jamais hésité ou craint de
dire la vérité et de défendre le Liban.
Pour sa part, un autre chrétien, mais du sérail, Karim
Pakradouni, proche, lui, de Damas, où il était encore il
y a quelques jours, se disait " très indigné "
: Il s'agit d'une atteinte à la liberté au Liban. C'est
une honte : Samir Kassir n'était pas le seul visé, mais
aussi la démocratie dans notre pays. Mais n'accusons personne
sans preuve, on risquerait de laisser s'échapper le coupable
et de condamner un innocent. Une prudence que n'adoptait
pas Elias Attalah, secrétaire général de la Gauche démocratique
: C'est Emile Lahoud, le chef de l'Etat - NDLR : allié de
Damas - et les services secrets qui l'ont tué, déclarait-il
sans ambages à la presse.
L'éloquence de Samir Kassir s'exprimait périodiquement
dans " Le Monde diplomatique ". Il venait aussi
de publier deux recueils en arabe d'interventions sur le
Liban et la Syrie. Au " Monde ", qui lui demandait
le 31 mars pourquoi il focalisait sur le voisin syrien,
il avait répondu : J'aime vraiment la Syrie, dont ma mère
est originaire. J'en veux au régime qui, par sa politique,
a fait du tort aux peuples syrien, libanais et palestinien.•
Portrait en page 2
© Rossel & Cie S.A. - Le Soir, Bruxelles, 2005
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